samedi 15 février 2014

Le syndrome de Münchhausen par procuration.... ou « Comment une mère peut-elle infliger des souffrances à son enfant ? »

Je me suis posé cette question en lisant un roman de Jonathan Kellerman intitulé « La valse du diable » et traitant du syndrome de Münchhausen par procuration ou relayé (roman présenté dans l'article "un livre qui pousse à la réflexion" dans la rubrique Livres).
Cette question n’arrêtant pas de tourner et retourner dans mon esprit j’ai cherché des renseignements sur cette maladie trop mal connue.
En consultant plusieurs ouvrages sur le sujet et en faisant des recherches sur internet, j’ai recueilli un grand nombre d’informations (définitions, manifestations cliniques). Cependant toutes ces connaissances ne m’ont pas permis pour autant d’apporter une réponse à ma question.
J’ai eu l’occasion de visionner un reportage relatant l’histoire d’une jeune mère atteinte de ce syndrome et j’ai également lu de nombreux cas cliniques. Ces informations ont témoigné de l’amour que ces mères portent à leurs enfants, ce qui n’a fait qu’accroître mon incompréhension, partagée d’ailleurs par le corps médical qui, bien souvent, ne peut imaginer ni même admettre de tels actes.
En poussant plus loin ma réflexion sur ce sujet, de nombreuses autres questions me sont venues à l’esprit mais toutes ne sont en fait qu’un prolongement de la première, laquelle, bien qu’aillant une réponse médicale connue, me laisse toujours dans l’incompréhension et me procure un sentiment de malaise. Même après orienté certaines de mes recherches cliniques de psychologie sur cette pathologie, je dois avouer que ce syndrome garde pour moi quelque chose de dérangeant…. Et d’autant plus depuis que je suis devenue maman !!

Comment pouvons-nous remettre en question ce qui nous a toujours semblé évident, la seule règle qui selon nous ne possédait pas d’exception, c’est à dire que nous ne pouvons faire que le bien pour les gens que nous aimons si telle est, justement, notre intention.
Il nous faut cependant croire à l’impensable si nous voulons être en mesure d’apporter une aide à ces enfants mais aussi à leurs mères, car il ne faut pas oublier que, malgré l’atrocité de leurs actes, ces dernières ne sont pas des monstres mais des personnes atteintes d’une véritable maladie, le syndrome de Münchhausen.

Définition :

Bref historique :

La première description des troubles factices est due au médecin anglais Gavin qui, en 1843, écrit un livre intitulé « On feigned and factious diseases » (« sur les maladies feintes et factices »).
Toutefois, malgré quelques écrits remarquables à ce sujet (comme ceux de Dupré en 1905 et Dieulafoy en 1908), pendant plus d’un siècle, les psychiatres se sont peu intéressés aux troubles factices.
A l’origine de l’intérêt actuel pour ces pathologies se trouve l’article d’Asher (1951) dans lequel il introduit le terme de « syndrome de Münchhausen » qui doit son nom au baron de Münchhausen dont s’inspire Rudolph Erich Raspe pour écrire ses histoires extraordinaires.

Définition :

Ce syndrome se décline sous deux formes :

· Le syndrome de Münchhausen simple qui décrit un trouble du comportement conduisant les sujets atteints à simuler des affections dans le but d’être hospitalisés et de subir des opérations inutiles. Il est à noter que, contrairement aux simulateurs, les patients atteints de ce syndrome ne poursuivent pas de but précis et n’ont à gagner que l’attention du milieu hospitalier.

· Le syndrome de Münchhausen par procuration (SMPP) qui a d’abord décrit de véritables sévices secrètement exercés sur un enfant, le plus souvent par sa propre mère, a ensuite été appliqué au comportement de celle-ce (Meadow, 1995).

Décrit par le pédiatre anglais Roy Meadow en 1977, le syndrome de Münchhausen par procuration est une forme particulière de maltraitance à enfants.
Le parent responsable, en général la mère, invente chez son enfant des histoires cliniques fausses et/ou provoque des symptômes afin de demander aux médecins un diagnostic et un traitement.
Les conséquences physiques graves et parfois irrémédiables proviennent de l’action du parent et du corps médical abusé.
Le SMP serait à l’origine de 8 à 20% des morts subites inexpliquées du nourrisson. Il est impossible de quantifier son importance réelle mais, aux USA, 1000 cas annuels sont répertoriés grâce à l’autopsie systématique des morts subites du nourrisson. Un taux de mortalité élevé est également retrouvé dans les fratries.
En France il n’existe pas de consensus sur la réalité du SMPP et bon nombre de pédiatres et de psychiatres ne peuvent imaginer des mères faisant subir de telles souffrances à leurs enfants et refusent d’admettre avoir été ainsi mystifiés.
Il reste toutefois très difficile de faire la différence entre un enfant qui s’est étouffé tout seul sous sa couette et celui qui est mort parce qu’on a appuyé un oreiller sur son visage.

Le SMPP se définit par l’association de quatre critères :

· maladie de l’enfant produite ou simulée par l’un des parents.

· consultations médicales répétées pour obtenir la réalisation d’examens complémentaires et la prescription de traitements.

· les parents responsables affirment ne pas connaître la cause des symptômes.

· les symptômes régressent lorsque l’enfant est séparé du parent responsable.

Dans sa forme extrême ce syndrome peut conduire à des actes médicaux majeurs mettant le pronostic vital en jeu.
Le SMPP paraît être la forme extrême et pathologique, en terme de désir de consultation médicale, du comportement parental analysé par Eminson et Postlethwaite. A l’excès de désir de consulter par les parents, ceux-ci inventent des symptômes ou génèrent une maladie chez l’enfant pour amener le médecin à prescrire examens et thérapeutiques.

Profil de la mère :

Toutes les couches sociales sont concernées et dans 90% des cas il s’agit de la mère biologique. Un pourcentage important de ces femmes exercent une profession médicale ou paramédicale (médecin, infirmière, aide-soignante, assistante sociale…) ou ont un lien avec ce milieu.
Elles présentent un comportement stéréotypé de « bonne mère particulièrement attentionnée à l’égard de son enfant et extrêmement présente lors des séjours hospitaliers de ce dernier ».
Elles sont généralement moins inquiètes que l’équipe soignante, avec laquelle elles entretiennent de bons rapports, et tiennent un discourt de type médical, n’hésitant pas à suggérer des examens complémentaires invasifs ou des interventions chirurgicales.
Ces femmes sont épanouies en milieu hospitalier par le fait qu’elles sont l’objet d’admiration de la part des médecins et des autres parents.

30% d’entre elles souffrent d’un syndrome de Münchhausen simple.

Manifestations cliniques :

· Toute pathologie récidivante, ayant nécessité de multiples hospitalisations, examens complémentaires négatifs et traitements sans succès, peut être impliquée.

· La notion de frères ou sœurs soignés pour de nombreuses maladies rares et/ou de mort subite inexpliquée du nourrisson dans la fratrie sont très évocateurs.

· L’absence de symptomatologie lorsque l’enfant est séparé du parent est un élément majeur.

Troubles allégués les plus fréquents :

· les apnées, première cause de décès ( provoquées par étouffement ou intoxication).

· les empoisonnements (vomissements), deuxième cause de décès ( le sirop d’ipeca est le toxique le plus utilisé).

· les saignements (crées ou simulés par du sang maternel ou par anticoagulants).

· les convulsions (faussement décrites ou intoxications diverses).

· les dépressions du système nerveux central (obtenues par intoxication).

· les diarrhées (crées par intoxication au sel ou aux laxatifs).

· les fièvres (fausses courbes de températures, souillure des perfusions).

· les éruptions cutanées (grattage, application de caustiques).

Le taux de mortalité présumé serait de 15 à 20%.
Cas cliniques :

· Meadow (1977) décrivait dans le Lancet deux cas de jeunes enfants victimes de pathologies inventées ou provoquées par leur mère : une falsification d’examens d’urines par addition de sang et une intoxication chronique par le sel ayant conduit au décès de l’enfant.

· Juridiquement, l’affaire commence le 3 septembre 1990.

Le professeur Saudubray vient de recevoir la mère de Caroline à qui il déclare :
« Madame, nous avons la preuve que les crises très graves qu’a subit votre fille sont dues à des injections massives d’insuline que vous lui avez administrée à l’insu du personnel médical. Soit vous reconnaissez les faits, soit je préviens le procureur de la république ».
Liliane Kazkaz nie avec la plus grande énergie.
C’est la première affaire liée au syndrome de Münchhausen par procuration connue en France.
Le psychiatre Serge Bronstein explique à la cour que le SMPP pousse l’un des parents, la mère dans l’immense majorité des cas, à administrer des substances toxiques à son enfant, puis à le faire soigner, afin de « se signaler aux autorités médicales pour en tirer un bénéfice psychologique ».
En un mois, la fillette, âgée de 9 ans, a connu trois hôpitaux. Caroline souffre de crises d’hypoglycémie fréquentes, due à des présences massives d’insuline dans le sang. Les médecins strasbourgeois diagnostiquent une tumeur du pancréas. Elle est envoyée à Paris pour y être opérée. Le morceau de pancréas retiré est analysé : aucune anomalie. Dans les jours qui suivent, l’enfant semble guérie. Subitement, les crises reprennent, toujours aussi irrégulières et violentes. Les médecins commencent à douter. Une analyse va les conforter : l’insuline en excès est d’origine médicamenteuse. Quelques vérifications auprès des infirmières permettent de faire coïncider les crises avec les visites de la mère et du beau-père, Haitham Kazkaz, médecin spécialisé en chirurgie. Caroline est alors placée en isolement. Plus jamais elle n’aura de crises. L’étude des registres de pharmacies montrera que, grâce à de vraies fausses ordonnances, la mère, avec, selon l’accusation, la complicité du beau-père, a acheté en 1990 des quantités massives de médicaments provoquant l’hypoglycémie.

Diagnostic :

Le diagnostic est évoqué devant une symptomatologie qui dure depuis plusieurs mois ou années avec des dizaines ou centaines d’hospitalisations sans qu’aucun diagnostic n’ait été posé.
La vidéo surveillance reste le moyen diagnostic le plus rapide mais il est contraire au droit français qui demande de prévenir les mères de l’existence du matériel de surveillance. Des réticences semblent retarder son utilisation.
Il faut toutefois mettre en exergue que le but n’est pas de mettre en accusation une mère manifestement malade mais de sauver des enfants et il justifie totalement et sans arrière-pensée l’utilisation de la vidéo surveillance.
La déontologie médicale l’exige et la controverse est inacceptable. Que la justice ne puisse l’admettre comme preuve ne change rien à l’affaire et n’est pas du ressort de la pratique médicale.
La non-assistance à enfant en danger de mort reste la priorité morale et légale.
Une fois le diagnostic posé, reste le problème du traitement du patient.
Les mères atteintes du SMPP sont incarcérées pour maltraitances à enfants et voire même pour homicide. Les enfants victimes sont alors hors de dangers car séparés de leurs bourreaux mais aucun ouvrage ne décrit les soins appropriés pour soigner ces derniers.
Il est évident qu’un tel comportement à l’égard d’enfants innocents ne peut inspirer qu’horreur et révolte. Cependant, pour pouvoir apporter une aide aux personnes souffrant du SMPP et , par-là même, aux enfants qui en pâtissent, il est nécessaire de mettre ces sentiment de côté.
L’impact physique de ce syndrome sur les enfants qui en sont la cible est considérable et, lorsqu’il ne conduit pas à la mort, il ne peut être qu’accompagné de séquelles psychologiques. En effet, il est difficile de penser qu’un enfant puisse sortir psychologiquement indemne de telle souffrances et plus encore du fait que sa propre mère en soit l’instigatrice. Il est fort probable, en effet, qu’après avoir vécu l’enfer, ces enfants en porte les stigmates toute leur vie.
Mais cet impact psychologique semble aussi concerner les médecins. En effet, ceux-ci sont souvent amenés à pratiquer des actes invasifs, voire chirurgicaux, sur des enfants n’en ayant en réalité pas besoin avant de réaliser que ces derniers sont en réalité victimes du SMPP. Il est fort probable que ces médecins ressentent un fort sentiment de culpabilité qui les hantera probablement très longtemps.
Les rares cas mettant en scène deux adultes sont particulièrement révoltants. En effet, s’il est explicable qu’une mère fasse souffrir son enfant car elle est atteinte du SMPP il semble fort improbable que deux personnes de l’entourage d’un même enfant présentent ce syndrome. Ce problème reste une énigme dans la mesure où, par ses actions, ce complice présente bien les caractéristiques d’une personne atteint par le syndrome de Münchhausen relayé.
Nous pouvons alors nous demander si le pouvoir de persuasion des personnes présentant le SMPP et tel qu’elles arrivent à transmettre leur syndrome à autrui.
Le syndrome de Münchhausen par procuration pose de nombreux problèmes aux équipes soignantes. En effet, ces derniers doivent mettre de côté leurs sentiments négatifs à l’égard de ces patients et lutter contre leur sentiment de culpabilité.
Même en parvenant à mettre de côté les sentiments d’horreur que suscite le syndrome de Münchhausen par procuration, ceux-ci ne peuvent que persister car toute personne ayant un minimum de sens moral ne peut qu’être indigné devant la maltraitance d’enfants.
Il semble impossible de souhaiter aider ces malades bien particuliers que sont les personnes atteintes par ce syndrome et le but des soignants semble être exclusivement orienté vers le sauvetage de ces enfants victimes des troubles psychologiques de leurs mères qui deviennent pour eux de véritables bourreaux.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Bouton de vote Hellocoton

Rendez-vous sur Hellocoton !